mardi 25 août 2020

PLP et heureux de l’avoir été…..Même si …..





A toutes celles ou ceux qui ont pu avoir ce genre de mésaventures, mais surtout à celles et ceux qui les font subir, j’écris ceci. Nous sommes toutes et tous professeurs, instituteurs, certifiés ou pas, titulaires ou pas, perfectibles ou pas, ambitieux ou pas, arrivistes ou moins, jaloux ou admiratifs, diplômés ou moins, joyeux ou tristes, malades ou vaillants, avec vocation ou sans, jeunes ou anciens. Néanmoins, une seule aptitude devrait nous réunir, le respect des élèves quel qu’ils soient, pour leur réussite  
Après avoir menuisé ma joie avec des élèves en SEGPA, j’ai donc été promu au grade de professeur en Lycée Professionnel. Non pas que mon inspecteur ait décelé dans mes enseignements une aptitude essentielle, ou qu’il ait voulu m’épargner une pénitence perpétuelle en SEGPA, mais pour des raisons de mutation qu’il fallait que j’envisage pour m’épargner un long trajet. Après tout, j’étais prof comme les autres, et titulaire d’un concours que je n’avais peut être pas mérité mais nullement usurpé.
J’ai donc quitté avec regrets cette SEGPA et sa kyrielle d’élèves oubliés, ou égarés, que mes collègues et moi-même avions tenté de séduire et de promouvoir à l’échelon d’élèves respectables et respectés. Un pot d’adieu avec ce Directeur de SEGPA que je n’oublierais jamais tant il était conciliant et bienveillant. A l’endroit céleste ou il se trouve, je sais qu’il comprendra mes remerciements.
En septembre 2003, j’ai donc posé ma caisse à outils dans l’atelier d’un LP savoyard. Cet atelier bien que dans un état de délabrement ahurissant, il était malgré tout, parfaitement équipé de machines et d’appareillages pour un enseignement de qualité.
Nous étions 14 professeurs du bois, menuisiers, charpentiers et ébénistes. C’était chouette, j’allais enfin pouvoir partager nos expériences, nos particularités, nos concepts. Echanger nos pratiques, discuter de nos parcours atypiques, faire connaissance.  J’ai vite déchanté le jour même en réunion de cette prérentrée concernant l’affectation des postes. J’étais le dernier « parvenu » dans l’établissement et sur la feuille de DHG figurait un Monsieur X, qui fut vite complété par mon patronyme. J’avais donc l’insigne honneur de prendre la classe des CAP. Mon prédécesseur parti à la retraite, était en charge de ces classes réputées difficiles, voire ingérables. Il était fatigué, usé par un AVC qui l’avait amoindri, je pense à toi « Loulou ».
J’ai tout de même osé susurrer une petite question aux collègues sous la direction d’un chef des travaux souriant, mais pas affable. «  Pourquoi est-ce moi qui prend les CAP » ?
C’est comme si j’avais questionné le diable. Un feu de paroles abusa ma faible patience : «  C’est comme ça, tu arrives le dernier, et tu prends ce qu’il y a ».Je n’ai pas su quoi répondre à cette remarquable salve de bienvenue. J’allais donc en rester sur ce postulat, lorsqu’un professeur d’une trentaine d’années, bien mieux dans ces pompes, que dans sa tète de Gepetto fraichement éclos, rajouta : «  Moi, je n’ai pas fait des études pour enseigner à des CAP ». Je venais de comprendre dans quel rucher je m’étais fourré. Non seulement, j’étais le nouveau, mais de surcroit, je n’avais pas à ses yeux, le niveau requit pour élever des BAC Pro ou des BEP.
En aparté, avec mon chef des travaux, toujours pas aimable, j’ai tout de même formulé deux exigences, puisqu’il semblait que cette classe rebutât la gent « boiseuse ». J’ai donc obtenu d’avoir la gestion seule de cette classe en enseignement pro, et un emploi idyllique sur 3 jours hebdomadaire, en justifiant ma requête sur la nécessité que cette classe ait un seul référent professionnel et une continuité pédagogique suivie à l’atelier. Ma demande fut exhaussée sous la réprobation et l’indignation de 3  collègues scandalisés dénonçant un privilège anormal. Ils m’ont jalousé, j’étais aux anges. J’avais gagné mon billet d’entrée dans ce guêpier. En revanche, je venais de perdre ma confiance vis-à-vis d’un collectif. Après ce déplorable préliminaire d’une rentrée scolaire ordinaire, j’ai reçu mes 14 élèves dans une salle exiguë, surchauffée sous les tôles d’un atelier poussiéreux. J’ai retrouvé le style SEGPA que j’avais connu les années précédentes. J’avais en prime la joie de reconnaître deux anciens élèves de ma SEGPA, ils étaient hilares et déjà les meneurs de ma petite troupe réputée ingérable. Je n’ai pas boudé mon plaisir de les mettre en exergue et de leur demander de raconter ma personnalité complexe.
Le reste de l’année, ils ont pu exprimer librement et calmement, à l’établi, et sur les machines-outils, leurs motivations pour ce métier difficile. Ils ont contribué largement à la fabrication d’ouvrages confectionnés, avec une autonomie guidée par mes acquiescements technologiques, et sécuritaires. J’ai parfois porté le verbe, et la voix haute, pour faire cesser quelques gamineries adolescentes, mais je n’ai jamais eu recours à l’assistance de nos deux CPE que je salue ici pour leurs difficiles missions éducatives.  J’ai eu trois échecs que l’absentéisme n’a pas pu secourir. C’était assez normal, lorsque l’on est trop absent, on ne peut pas bien percevoir la vraie vie, car on rate le nécessaire, et même le futile parfois.
Aujourd’hui, je regarde cela avec distance physique dans me distancier socialement ; sans jamais avoir oublié cet incident parmi tant d’autres qui peuvent déstabiliser et abîmer un parcours. Je pense à mes nombreux (ses) collègues dans les ateliers de, menuiserie , métallerie, peinture, maçonnerie, et autres , qui devront masquer obligatoirement leur visage pour éviter un virus ; alors que pendant des dizaines d’années l’éducation nationale s’est moquée d’eux en ne leur protégeant pas les voies respiratoires contre des poussières cancérigènes. Quelle triste contradiction !
Force et courages à toutes et tous.

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