mardi 25 août 2020

ADIEU


Monsieur le Ministre,
je quitte votre école et votre idée de l’éducation qui « n’est pas une variable d’ajustement » selon vos propos. Pour être assez franc, je suis heureux de ne plus rien vous devoir hormis la politesse qu’une éducation stricte et désuète m’a apprise.
J’ai tenté d'être un professeur honnête, comme la grande majorité d’entre nous, pas toujours enclin à courber l’échine, certes, mais assez intègre. Et puis mes élèves ne furent pas tous déçus de mes enseignements, certains ont même réussi à me surpasser, et c’est ma seule récompense durable et notable. Le reste m'importe peu, et votre réussite non plus.
Quant au reste, j’ai parfois côtoyé quelques collègues et tissé des liens d’amitié. Avec d’autres, parfois, ce fut une foire d’empoigne sur des futilités d’emploi du temps, ou d’heures supplémentaires qu’ils se battaient pour obtenir. Quelques chefs d’établissement amènes et respectueux, d’autres plus arrivistes et moins humanistes, Et puis quelques "sachant", promus Inspecteurs, dont le zèle n’avait d’égal que leur haine du professeur qu’ils étaient autrefois, peut être par vengeance d’un savoir-faire qu’ils n’ont jamais su mettre en œuvre. Le pouvoir rend parfois autoritaire, et suffisant.
Voilà qu’elle a été ma courte apparition dans votre maison dont vous garantissez, paraît-il, l’intégrité et la cohésion, entre autres.
Aujourd’hui, avant de tirer le rideau de cette scène, théâtralisée par vos atermoiements et vos promesses non tenues, je vous laisse en héritage cette petite réflexion.
Je n’aborderais pas la problématique des « burn-out » ou des suicides dans votre institution, car elle m’engagerait sur un grave constat d’abandon de cette même institution, bien campée dans l’omerta. Pas davantage je n'évoquerais nos réclamations salariales, elles se dissolvent, à bas bruit, dans les arcanes de votre pouvoir décisionnaire.
J’attire votre aimable attention sur la situation des travailleurs empêchés dans les écoles, collèges, et lycées. Leurs conditions de travail. Les risques sanitaires dans les ateliers industriels ou du bâtiment pour les PLP, par exemple, qui exposent votre personnel à des risques de santé, de sécurité, tant ils sont confrontés quotidiennement, à toutes sortes d’agents pathogènes et cancérigènes. Ce n’est pas le COVID qui m’a contraint à quitter votre barque erratique prématurément, même si mon âge n’est plus une valeur sûre.
Aujourd’hui, comme hier, l’inquiétude de vos personnels est légitime, elle mérite votre attention, et il est de votre devoir d’y répondre.
Le manquement de mon ministère de tutelle à ses obligations d’employeur en matière de prévention médicale, n’est pas nouveau. Le mépris, par le silence, de donner suite à mes requêtes sur l’obligation de nous fournir des Equipements de Protection Individuelle comme le stipule l’Article R.4321-4 du Code du Travail. Voilà une preuve factuelle de votre détachement.
Le non-respect de la loi de votre Ministère. L’article L.4121-1 du code du travail, stipule que l’employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».Alors, pourquoi ce qui serait valable pour éviter un COVID, ne le fut pas tant d’années auparavant, pour protéger ma santé et celles de tant d’autres ?
Vos professeurs d’atelier dans les Lycées Professionnels, dans les SEGPA , dans les collèges ,les écoles, sont au service de l’éducation pour faire bénéficier tous les jeunes de leur expérience, de leur expertise des métiers, du savoir, et ce, dans des domaines, en LP, aussi divers que : Charpente, Menuiserie, Maçonnerie, Peinture, Plomberie, Métallerie, etc.
Aucun personnel ne peut faire l’impasse sur la prévention médicale et le suivi de leur santé, car ils sont pour la plupart exposés aux bruits, aux agents pathogènes, ou, cancérigènes, et donc très vulnérables. Ils ne doivent pas être privés de la sécurité que vous leur devez.
Leurs conditions de travail et le suivi médical de prévention sont l’assurance d’une éducation nationale forte et d’un service public efficace. Vous n’êtes pas à la hauteur de vos ambitions, pas davantage que vos prédécesseurs. Vous balbutiez votre apprentissage ministérielle comme un jeune apprenti, mais votre entrain initiatique est bien davantage grave de conséquences si vous faites l’erreur du novice.
Ces professeurs, Monsieur le Ministre, qu’ils soient dans des ateliers, dans un labo de sciences physiques, dans un gymnase, et même dans les écoles, doivent pouvoir bénéficier gratuitement des EPI fournis par l’employeur, lorsqu'ils s'avèrent indispensables. Ils doivent pouvoir obtenir une visite médicale de prévention annuelle ou bi annuelle selon leur degré d’exposition aux nuisances (qu’elles soient sonores ou liées à tout autre facteur de dangerosité, réelle, ou supposée).
Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, je vous accorde mes respectueuses salutations, s’il vous arrivait en retour, de croire à notre grande considération du Service Public, ainsi qu’à l’intérêt que nous portons toutes et tous pour la formation et l’éducation de nos élèves.
PS : Je ne suis plus une variable d’ajustement.

Pourquoi se plaindre ?

Il’a dit, hier ou avant-hier, je crois en lui comme au doute qu’il m’inspire.

 « On est capable de considérer  à l’échelle d’une école, d’un établissement ou même  d’un territoire, un problème ou un autre. Le protocole élaboré au mois de juillet prévoit tous les types de situation. » Nous sommes fin aout, et le virus quant à lui, est en vacances scolaires semble t-il. Tout est prévu, même l’imprévisible, c’est normal, il est Ministre.
J’ai une confiance aveugle dans cette affirmation Blanquerienne. Il est capable de tout examiner le bonhomme. Il sait que les élèves au-dessus de 11 ans doivent porter un masque, et qu’en dessous de cet âge strict et limite des 11 ans (attention pas 10 ans ou 12 ans, mais 11 ans) ils n’auront pas besoin d’en porter. C’est prouvé, c’est écrit dans le marbre .11 ans c’est l’âge scientifiquement prouvé à partir duquel il faut porter un masque. Il faudra peut-être vérifier que vous n’ayez pas parmi vos collégiens quelques surdoués de 9 ou dix ans, (c’est à la marge). Ce Ministre, pour celles et ceux qui pouvaient en douter encore, est d’une clairvoyance délicate hors norme. Il consulte tous les jours les avis des sachant, donc, ayez un minimum de loyauté pour le garant de notre santé et de notre bien-être.
Alors pourquoi avoir peur ? Il vous explique tout le Ministre sportif, même que « l’enseignement à distance est prêt » au cas ou les modalités de circulation du virus seraient « faibles » ou « fortes », alors pourquoi craindre le pire ? Le protocole s’adaptera à vos soucis, à vos anxiétés.
Tout est prévu, ou presque, « les personnels auront un masque fournit par l’institution », « et  puis le masque pour les élèves est une fourniture comme une autre comme on vient avec sa trousse ou ses cahiers à l’école ».  Le masque ! Une fourniture scolaire, dont ils auront l’utilité ou le besoin pour cacher leurs expressions. Il est certain  qu’ils oublieront la trousse, la gomme, le crayon, le cahier de correspondance, etc….. Mais pas le masque, non pas le masque, c’est promis, juré, craché. L’objectif du Ministre est « notamment d’être capable de réagir dans les 48 heures à chaque fois que des symptômes sont signalés ».Le ministère réagit toujours promptement lorsqu’une moindre défaillance altère notre santé ou nos besoins. D’ailleurs, concernant nos nécessités  « La question d'une prime pour un équipement informatique  pour les professeurs et les élèves est actuellement discutée avec les syndicats ».Et même que « Le montant de cette prime est en discussion ». Il envisage tout le Monsieur, il n’oublie presque rien, sauf peut-être la question des salaires que ne lui pose pas le journaleux. Après tout, doit-on s’en plaindre de nos rémunérations ? Nous sommes tout de même au quatorzième rang derrière le leader qu’est le Luxembourg, viennent ensuite dans l’ordre, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, les pays bas, l’Autriche, la Suède, la Belgique flamande, la Finlande, la Belgique wallonne, l’Irlande, l’écosse, le Portugal. Et puis enfin, pour toutes celles et ceux qui osent encore douter de sa grande sollicitude pour notre métier si difficile, « Pour les élèves dont le niveau a baissé, nous allons mettre le paquet, notamment en heures supplémentaires pour que le niveau soit atteint ». Il y aura des heures à faire, pour ne gagner que davantage, pas de panique, elles seront majorées.
Alors pourquoi craindre ? Un professeur n’a pas d’enfants, pas de famille, pas de frères et sœurs, pas de parents ou grands parents, même pas d’amis. Il n’a que du temps libre, il peut même aller cueillir des fraises. Un NUMEN n’est pas une personne, c’est juste personne.
Un professeur n’est pas malade, le stress, les maladies, et même le cancer n’a pas de prise sur lui, il est blindé, et il se différencie du commun des mortels  par sa grande résilience à tous ces aléas de la vie. Il dispose d’une prévention médicale réactive pour le prémunir de toutes ces petites ou grandes vicissitudes.
Je vous le dis, mes chers (es) collègues, arrêtons de nous plaindre, refusons de croire ou de prétendre au mieux, satisfaisons nous du pire que nous.
Et ………… bonne rentrée à toutes et tous.
Moi ? Je soigne mes comorbités, d’ex NUMEN, en nourrissant l’espoir de guérir. 

Une éducation AMBITIEUSE


En lisant cette proposition de loi, j’ai parfois esquissé quelques miasmes, mais j’ai souvent serré les dents. je souscris au prêt gratuit à tout élève du primaire et du secondaire d’un ordinateur scolaire domestique, mais QUID sur nos moyens, et nos matériels dont nous pourrions légitimement espérer quelques dotations ?
Un prof sans élèves n'est-il pas comparable à un élève sans profs ?
cette proposition de loi est enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2020.
Je vous laisse interpréter cette analyse de 4 pages, qui est intéressante à lire, même pendant les vacances ou un repos mérité, en buvant un Pastis, de l’eau plate, ou gazeuse (avec modération pour le pastaga), et entre deux mannes de pétanque à l’ombre d’un palmier ou d’un platane.
L’article 1 résume presque tout et je regrette que l’article 1 (bis) ne figure pas dans ce texte. Est-ce un oubli ? Une erreur ? Trop long à imprimer ? Ou la volonté de nuire à notre Ministre tellement enclin à satisfaire nos justes revendications ?
L’article 1 (Bis) dont j’ai pu me procurer un exemplaire fallacieusement, cet article dit en substance : (j’ouvre de larges guillemets malicieux). qu'Il semble que le Gouvernement sous la proposition de son nouveau Ministre (éconduit à l’intérieur, amoureux, et renouvelé au Ministère de l’éducation Nationale) approuve en partie ce rapport d’évaluation de l’usage de l’outil numérique.
En revanche sa déclaration téméraire, (Je n’en crois pas mes yeux et encore moins la véritable sincérité), est presque un discours de combat en souhaitant associer la condition de travail des Professeurs à celles de ses élèves.
Je suis même effaré qu’un tel discours de lutte sociale ait pu se perdre en vaines conjectures dans les arcanes du pouvoir.
S'il est sincère, je pourrais même envisager de rempiler, c'est tout dire.
Article 1 ( bis) proclamé à la cour Jupitérienne le 11 Messidor de l'an de grâce 2020.
« Moi Jean Michel Blanquer, certifie, après lecture de ce rapport et (sur la tête des 850000 corvéables oubliés et maltraités) qu'il est grand temps que j'agisse.
Ainsi, Chers(es) professeurs de tous les degrés, instituteurs (trices), CPE, par ma volonté de servir mon inestimable soutien à votre dévouement, mes huit commandements accompagnerons le renouveau de votre inestimable métier au service de la jeunesse.
Dans le cadre de la continuité pédagogique, il est clair que l’objectif de ce rapport est de restituer une vérité mise en évidence par cette crise sanitaire sans précédent. Dans ce rapport, un recensement détaillé des besoins de tous les personnels de l’éducation nationale qui n’ont jamais pu bénéficier de leur outil de travail sera exhaustif et rapidement étudié pour y mettre un terme.
1 / Un vaste plan d’acquisition de matériels informatiques équipés de tous les logiciels dont les professeurs ont besoin quotidiennement, sera adopté dans le prochain budget 2020/2021.Il en va de même pour toutes dépenses de fournitures que le professeur pourra justifier. Je vous en fais la promesse Gasconne.
Cette dépense publique respectera les règles prévues par toutes les obligations contractuelles de l’employeur d’état dont j’ai la charge, conformément au code du travail, et reprisent dans notre code l’éducation.
NB: Votre Ministre de l’éducation Nationale est particulièrement attentif au fait que les personnels éducatifs dans toutes les écoles, collèges, ou lycées sont l’un des derniers cas en France ou les salariés doivent payer leur propre matériel pour pouvoir travailler. Cette situation n'est plus en adéquation avec notre principe éducatif, J’y veillerai avec toute la passion qui m’anime.
2 / Pour les enseignants (es) officiants dans des ateliers, labos, ou structures sportives, j’affirme qu’ils seront tous (tes) dotés (es) de leurs EPI (Equipements de Protection Individuelle) conformément aux obligations définies par la Directive Européenne 89/656 et les articles L4121-1 à L4121-5 du Code du Travail Français, auquel le code de l’éducation ne peut se soustraire
Pour mettre un terme définitif à cette injustice flagrante, ce dispositif prévu prendra effet à compter de la prochaine année scolaire 2020/2021 , vous pouvez compter sur moi autant que j’ai pu compter sur vous.
3 / Sur proposition de loi, Moi, Ministre de l’éducation nationale je m’engage en outre à faire respecter l’article L4121-2 du code du travail, et reformulé dans notre code de l’éducation. Cet article prévoit les principes généraux de prévention des risques qui devront être mis en œuvre par l’employeur. J’informerais des à présent mes équipes de « sachant » dans vos instances Rectorales.
4 / Pour conclure cette ambitieuse revalorisation des conditions de travail de tous les personnels, dont je m’honore de porter les valeurs et l’utilité publique, Moi, Ministre de cette précieuse institution publique, je m’engage dès la rentrée scolaire prochaine à rétablir sans délais une véritable santé de prévention.
Pour mettre en pratique cette initiative de grande ampleur que la COVID (providentielle) vient de mettre en lumière, je compte m’assurer que toutes et tous les personnels pourront bénéficier d’une visite médicale périodique tous les 24 mois comme le précise l’article R4624-16 du code du travail, auquel le code de l’éducation ne peut se soustraire.
5 / Moi, nouveau Ministre de l’éducation Nationale (PS : lorsque je dis nouveau c’est à prendre avec quelques distances physiques)…. J’apporte une attention particulière, affective, sensible, et presque prioritaire pour les professeurs PLP, et autres personnels, devant bénéficier d’une surveillance médicale accrue, Je me félicite de pouvoir mettre en œuvre l’article R4624-19 du code du travail y faisant référence, et auquel le code de l’éducation ne peut se soustraire.
6 / Pour renforcer cet article 1 (bis) , Moi, Ministre de notre éducation nationale, je tiens à rappeler ma profonde gratitude pour tous les personnels « seconds de corvées » et mettre un terme à cette attribution infantile de badges au mérite qui ne sont que des bons points d’antan, obsolètes , peu motivants, d’un monde d’avant …… Qui ne reflètent en rien (selon moi, et surement quelques profs) ma volonté d’être en marche vers le futur.
7 / Pour donner un sens à mon ambitieuse refonte d’un système éducatif en déshérence, je mettrais sans réserve, une fin de non recevoir aux vilipendes médiatiques qui salissent le métier des enseignants, et personnels de ce ministère. Je prendrais fait et cause devant le C.S.A pour exiger l’impartialité et traquer les mensonges.
8 / Enfin, MOI, M.Blanquer, Ministre (non régalien) de l’éducation Nationale et des sports je saisirai, dès demain, le Ministère des comptes public pour conclure une revalorisation salariale de 600 euros net mensuelle, unique, et sans conditions d’âge ou d’échelon. Pour donner force au souhait du Ministre que je suis (totalement dévoué à votre bien être). je m’appuie sur le constat édifiant d’une paupérisation de mon personnel depuis presque 20 ans, et dont le gel ou le dégel du point d’indice est la seule et inique variable d’ajustement »
Cordialement et confraternellement Jean Michel
Je ferme ici ces guillemets oniriques, et je desserre mes dents pour aller cueillir mes dernières fraises.
Bonne journée à toutes et tous.

A mon institutrice


 Ma Chère « Lili » je t’écris les raisons de ma colère
Le roman de John Steinbeck « les raisins de la colère » trouve une résonnance particulière 80 ans plus tard dans un nouveau  monde que nous n’imaginions pas. Et pourtant, nos raisons sont si nombreuses pour nous faire basculer dans une forte exaspération, et nous projeter dans une bien triste pensée.
En évoquant mon bref souvenir, je voulais remercier les institutrices et instituteurs de ma jeunesse perdue. Aujourd’hui professeurs des écoles, elles et ils, resteront toujours les phares d’une profession bien nommée institution. Respect et soutien.
Quand j’étais  à l’école primaire jadis, il y a déjà 58 ans, l’institutrice de mon village tenait son rôle sociétal et éducatif avec le respect de tous. Nous étions pêle-mêle, petits et grands dans cette école unique qui amusait nos différences d’âges. Je me souviens encore de cette dame qui me semblait si vieille à l’époque tant, j’étais jeune et insouciant. Sa voie était ronde comme sa silhouette, son accent rude et troublant comme le maquis de ma région. Cette salle de classe surannée improvisée dans un presbytère, ou nous apprenions quelques fables à l’encre de nos plumes. Cette odeur particulière ou se mélangent les senteurs de craie et de livres scolaires. J’y suis retourné l’année dernière, j’avais la nostalgie indicible de revoir ce lieu ou l’apprentissage du calcul fut pour moi ma première épreuve .Il ne subsiste que deux bureaux d’écolier que l’on occupait par paire dans un silence religieux. Deux encriers enchâssés dans le bois, que mon camarade redoutait d’utiliser car il était gaucher et forcément contrarié par leur positionnement. Ils étaient toujours la, desséchés par notre si longue période d’absence sans retour. J’ai cherché longtemps un graffiti coupable, une initiale gravée, une déclaration de tendresse puérile, un témoignage de ma fébrile jeunesse étudiante. Rien, plus que ces bancs presque immaculés ou ne subsistent que quelques pelures de crayons mal taillés. Ils sont les vestiges de mon passé d’élève, et garderont mes secrets d’une scolarité peu studieuse. J’ai revu la maitresse des années plus tard, elle se souvenait de moi et de mes caprices, elle trouvait les mots malicieux pour me rappeler que j’étais fâché avec quelques enseignements de base : «  Alors mon petit, tu les connais tes tables de multiplication ? ». J’ai souri pour lui dire que j’avais finalement appris et trouvé leur utilité. Les gens du  village l’appelaient « Lili » ce petit diminutif d’un prénom que je n’ai jamais su. Ses yeux ronds et bleus comme des prunelles que grossissait une paire de lunettes aux verres tout aussi ronds. Elle n’est plus « Lili », elle aurait un âge sans fin. Bien des années plus tard, en écoutant une chaîne télévisée j’entendis des personnages parler des professeurs et des instituteurs avec une attention bien différente. Ils y allaient tour à tour de leurs qualificatifs pour définir l’âme de cette profession. Ce n’est pas des compliments, mais des reproches d’une virulente obscénité. Tantôt fainéants, tantôt bien trop rémunérés pour si peu de travail, profiteurs et nantis, jamais contents, toujours enclins à la grève…. Se souviennent-ils d’une « Lili », ou d’une toute autre institutrice qui façonna leur enfance ? Ont-ils tant souffert sur des bancs d’école pour exprimer tant de haine bileuse ?
Merci    

Bonnes vacances Monsieur le Ministre?



J’ai reçu ce jour un message sibyllin de notre Ministre de tutelle :
Mesdames et Messieurs les professeurs,

En ces premiers jours de vacances, je souhaite vous remercier pour votre engagement au plus près des élèves dans le contexte de cette année scolaire marquée par la crise sanitaire.

Bonnes vacances à toutes et à tous !

Jean-Michel BLANQUER
Il est gentil de penser à moi, même si mes vacances sont permanentes. Je voulais simplement lui répondre combien j’apprécie sa plaisante attention. Lui dire que mon engagement «  au plus près des élèves » était très distancié ces derniers temps, et que mes élèves ont tous obtenu leur BAC PRO malgré mon absence contrainte. Je suis heureux pour eux, mais pas rassuré.
 Merci M. le Ministre de m’avoir gentiment  et brièvement  rappelé une dernière injonction dans ce contexte de crise sanitaire. Mes vacances seront reposantes et non pas apprenantes car, il me faudra oublier vos promesses, et apprendre le mensonge.  Je vais passer de bonnes vacances, et je n’aurais plus l’occasion de vous importuner avec ma demande d’un meilleur salaire. A quoi bon insister, nous ne sommes pas régaliens. Pourtant, Le ministère de l'Education nationale, qui est le plus important sur le plan budgétaire et qui comprend le plus grand nombre de fonctionnaires, devrait l'être !!  Est-ce pour cette raison que vous ambitionniez ce Ministère Régalien de l’Intérieur comme ultime promotion de votre savoir faire ?   .
Vous espériez un Ministère de « l’Intérieur », contentez vous d’être le garant de notre éducation nationale même si vous êtes un peu trop à l’extérieur de nos préoccupations. Et si cela effleure votre aimable prévenance, songez un instant à augmenter un poil les salaires de vos enseignants, ils vous en seront gré. Nous remercier, c’est franchement très agréable, mais revaloriser nos salaires nous vous en serions infiniment plus reconnaissant. Oubliez les badges gadgets que quelques-uns de vos conseillers promeuvent, car pour partir en vacances ils ne valent pas grand-chose, ils n’ont même pas la valeur d’un ticket repas.
Pendant  une vingtaine d’années  j’ai suivi toutes les injonctions de mon ministère, je sais que vous y adhérez Monsieur Blanquer. Inventer, réinventer, dessiner ou trouver un chemin semble vous préoccuper au plus haut point. Les profs s’inventent tous les jours sans en faire un coulis de fraise. Ils sont souvent sur des chemins bien encombrés d’embûches.
La première injonction étant de m’adapter à chaque élève qui est différent. Oui M.Blanquer, j’ai essayé de suivre cette prescription. Je me suis perdu parmi les « dys » Dans une même classe j’ai dû composer avec la dyslexie, la dysphasie, la dysorthographie, la dyscalculie, la dyspraxie. Et toujours dans cette même  classe « Dys » parâtes, j’avais un hyperactif lui-même flanqué  d’un hypersensible, et d’un autre avec une phobie scolaire. Sans compter l’élève qui oublie ses cours, qui ne rend pas ses devoirs, etc. … Et oui, je ne faisais pas cours à l’élite, ce n’était que quelques CAP orientés par défaut et qui avaient au moins la chance de pouvoir se défouler sur les établis de mon atelier. J’ai fait ce que j’ai pu pour satisfaire cette injonction sans pourvoir y réussir et sans formation préalable, J’ai donc improvisé.
Une deuxième injonction étant de me faire respecter. Essayer d’obtenir le silence dans mes cours, prétendre à une classe qui suit scrupuleusement mes consignes. Ce ne fut pas facile, j’ai beaucoup tempéré mon naturel colérique, sans mater pour autant leur adolescence sensible. . J’ai essayé, j’ai donc improvisé.
Une troisième injonction étant de me faire apprécier sans copinage, sans tutoiement, en essayant de ne pas accorder à mes élèves quelques dérogations dont ils peuvent abuser rapidement. J’ai perdu ce combat, en leur accordant trop facilement des délais, des exceptions de toutes sortes. Mon indulgence pour leur plaire, je l’ai aussi improvisée.
Et puis il y  a eu cette autre injonction que vous faites souvent valoir,  et que vous reprenez souvent en exemple M. Le Ministre : Aucun élève ne doit rester au bord de la route.
Et quelle route ! J’ai eu le sentiment d’avoir beaucoup œuvré pour éclaircir un parcours, en proposant des barèmes spécifiques, des accompagnements individualisés, des séquences adaptés, des rencontres parents élèves, J’ai fais tout ça en vain, et mes bonnes intentions étaient improvisées pour plaire à l’institution. Et en oubliant l’essentiel qui était le désir propre de mes élèves.
Et puis, j’avais aussi l’injonction conjointe de l’institution et des parents d’élèves d’éviter les violences, le harcèlement dont certains jeunes sont les victimes muettes. J’ai lutté comme j’ai pu avec quelques armes désuètes comme la morale, la punition, et le discours moralisateur dont ils se moquent parfaitement. J’ai tenté d’être à coté d’eux, et non pas entre eux et le monde cruel, sans y  parvenir trop souvent, car j’ai improvisé.
Inutile de préciser, que toutes ces injonctions contradictoires n’ont qu’une action paralysante à l’encontre de ce que je croyais être notre action de leur communiquer un savoir. Et de surcroit pour facilité notre travail, nous opérions souvent dans des locaux vétustes, avec des matériels obsolètes, et bien trop souvent avec notre propre investissement pécuniaire pour acquérir des outils informatiques et didactiques que vous oubliez de nous fournir.
Voilà Monsieur Blanquer, c’est tellement facile d’être professeur multi tâches. Tout le monde peut l’être aisément, comme s’asseoir derrière un bureau et composer quelques statistiques savantes.
Bonnes vacances.

PLP et heureux de l’avoir été…..Même si …..





A toutes celles ou ceux qui ont pu avoir ce genre de mésaventures, mais surtout à celles et ceux qui les font subir, j’écris ceci. Nous sommes toutes et tous professeurs, instituteurs, certifiés ou pas, titulaires ou pas, perfectibles ou pas, ambitieux ou pas, arrivistes ou moins, jaloux ou admiratifs, diplômés ou moins, joyeux ou tristes, malades ou vaillants, avec vocation ou sans, jeunes ou anciens. Néanmoins, une seule aptitude devrait nous réunir, le respect des élèves quel qu’ils soient, pour leur réussite  
Après avoir menuisé ma joie avec des élèves en SEGPA, j’ai donc été promu au grade de professeur en Lycée Professionnel. Non pas que mon inspecteur ait décelé dans mes enseignements une aptitude essentielle, ou qu’il ait voulu m’épargner une pénitence perpétuelle en SEGPA, mais pour des raisons de mutation qu’il fallait que j’envisage pour m’épargner un long trajet. Après tout, j’étais prof comme les autres, et titulaire d’un concours que je n’avais peut être pas mérité mais nullement usurpé.
J’ai donc quitté avec regrets cette SEGPA et sa kyrielle d’élèves oubliés, ou égarés, que mes collègues et moi-même avions tenté de séduire et de promouvoir à l’échelon d’élèves respectables et respectés. Un pot d’adieu avec ce Directeur de SEGPA que je n’oublierais jamais tant il était conciliant et bienveillant. A l’endroit céleste ou il se trouve, je sais qu’il comprendra mes remerciements.
En septembre 2003, j’ai donc posé ma caisse à outils dans l’atelier d’un LP savoyard. Cet atelier bien que dans un état de délabrement ahurissant, il était malgré tout, parfaitement équipé de machines et d’appareillages pour un enseignement de qualité.
Nous étions 14 professeurs du bois, menuisiers, charpentiers et ébénistes. C’était chouette, j’allais enfin pouvoir partager nos expériences, nos particularités, nos concepts. Echanger nos pratiques, discuter de nos parcours atypiques, faire connaissance.  J’ai vite déchanté le jour même en réunion de cette prérentrée concernant l’affectation des postes. J’étais le dernier « parvenu » dans l’établissement et sur la feuille de DHG figurait un Monsieur X, qui fut vite complété par mon patronyme. J’avais donc l’insigne honneur de prendre la classe des CAP. Mon prédécesseur parti à la retraite, était en charge de ces classes réputées difficiles, voire ingérables. Il était fatigué, usé par un AVC qui l’avait amoindri, je pense à toi « Loulou ».
J’ai tout de même osé susurrer une petite question aux collègues sous la direction d’un chef des travaux souriant, mais pas affable. «  Pourquoi est-ce moi qui prend les CAP » ?
C’est comme si j’avais questionné le diable. Un feu de paroles abusa ma faible patience : «  C’est comme ça, tu arrives le dernier, et tu prends ce qu’il y a ».Je n’ai pas su quoi répondre à cette remarquable salve de bienvenue. J’allais donc en rester sur ce postulat, lorsqu’un professeur d’une trentaine d’années, bien mieux dans ces pompes, que dans sa tète de Gepetto fraichement éclos, rajouta : «  Moi, je n’ai pas fait des études pour enseigner à des CAP ». Je venais de comprendre dans quel rucher je m’étais fourré. Non seulement, j’étais le nouveau, mais de surcroit, je n’avais pas à ses yeux, le niveau requit pour élever des BAC Pro ou des BEP.
En aparté, avec mon chef des travaux, toujours pas aimable, j’ai tout de même formulé deux exigences, puisqu’il semblait que cette classe rebutât la gent « boiseuse ». J’ai donc obtenu d’avoir la gestion seule de cette classe en enseignement pro, et un emploi idyllique sur 3 jours hebdomadaire, en justifiant ma requête sur la nécessité que cette classe ait un seul référent professionnel et une continuité pédagogique suivie à l’atelier. Ma demande fut exhaussée sous la réprobation et l’indignation de 3  collègues scandalisés dénonçant un privilège anormal. Ils m’ont jalousé, j’étais aux anges. J’avais gagné mon billet d’entrée dans ce guêpier. En revanche, je venais de perdre ma confiance vis-à-vis d’un collectif. Après ce déplorable préliminaire d’une rentrée scolaire ordinaire, j’ai reçu mes 14 élèves dans une salle exiguë, surchauffée sous les tôles d’un atelier poussiéreux. J’ai retrouvé le style SEGPA que j’avais connu les années précédentes. J’avais en prime la joie de reconnaître deux anciens élèves de ma SEGPA, ils étaient hilares et déjà les meneurs de ma petite troupe réputée ingérable. Je n’ai pas boudé mon plaisir de les mettre en exergue et de leur demander de raconter ma personnalité complexe.
Le reste de l’année, ils ont pu exprimer librement et calmement, à l’établi, et sur les machines-outils, leurs motivations pour ce métier difficile. Ils ont contribué largement à la fabrication d’ouvrages confectionnés, avec une autonomie guidée par mes acquiescements technologiques, et sécuritaires. J’ai parfois porté le verbe, et la voix haute, pour faire cesser quelques gamineries adolescentes, mais je n’ai jamais eu recours à l’assistance de nos deux CPE que je salue ici pour leurs difficiles missions éducatives.  J’ai eu trois échecs que l’absentéisme n’a pas pu secourir. C’était assez normal, lorsque l’on est trop absent, on ne peut pas bien percevoir la vraie vie, car on rate le nécessaire, et même le futile parfois.
Aujourd’hui, je regarde cela avec distance physique dans me distancier socialement ; sans jamais avoir oublié cet incident parmi tant d’autres qui peuvent déstabiliser et abîmer un parcours. Je pense à mes nombreux (ses) collègues dans les ateliers de, menuiserie , métallerie, peinture, maçonnerie, et autres , qui devront masquer obligatoirement leur visage pour éviter un virus ; alors que pendant des dizaines d’années l’éducation nationale s’est moquée d’eux en ne leur protégeant pas les voies respiratoires contre des poussières cancérigènes. Quelle triste contradiction !
Force et courages à toutes et tous.

J'ai été enseignant


Mes débuts d’enseignant.

C’était, il n’y a pas si longtemps, mais j’ai gardé ce souvenir précis.
A 43 ans j’ai obtenu le sésame un jour de juillet 1999.Un concours CAPLP2 arraché aux forceps de l’intransigeance  administrative, sous les pointilleuses questions d’un jury étonné. Mais qu’est donc venu faire ce bonhomme dont l’âge n’est plus conforme au progrès. Il est bien vrai que j’étais vieux jeu parmi la jeunesse de ma promotion. Complexé, je le fus pendant mes deux années d’école supérieure. Je devais m’adapter aux circonstances, paraître d’un temps moderne, et réviser triplement.
Les résultats furent publiés sur Minitel, et je n’en croyais pas mes yeux, que ce petit écran convexe puisse retenir mon nom, et cette petite mention qui le précédait  d’un terme jouissif : ADMIS.PLP (GIB). Génie industriel Bois. Me voici à ce moment génialement  reconnu, même si cette victoire fut entachée d’une mention invisible, j’avais mon permis d’instruire. Un jeune collègue m’a dit de suite : « Tu l’as échappé belle GIGI ». Je me souviens lui avoir répondu « ils ont eu pitié ».J’ai appris plus tard que la pitié n’a aucune place dans l’institution qu’est la nôtre. J’ai festoyé le mois d’août pour arroser par Bacchus une réussite improbable. Je m’élevais socialement pour fuir ma condition d’ouvrier. Je ne savais pas encore que cet ascenseur social n’était qu’une lubie, et que les rêves n’ont qu’une lointaine parenté au réel. A contrario, lorsque j’étais ouvrier, je savais qui j’étais, aucune fierté à faire valoir, seule la joie d’avoir  terminé ma journée.
Mon premier poste en septembre en SEGPA s’apparente au bizutage du néophyte auquel il faut faire subir l’ultime outrage d’une difficulté spécifique. J’ai su ensuite que l’attribution de nos postes était en rapport avec la performance acquise lors du concours. Les promus bien classés obtinrent la quintessence des lycées pro. Quant à moi, il me fut échu ce que d’aucuns présentaient comme la terrible lie scolaire. J’ai passé les quatre plus belles années de mon enseignement dans cette fange discréditée. Finalement, je me suis senti chez moi au milieu d’élèves désorientés, mais terriblement attendrissants quand ils ont décidé de l’être. Et pour qu’ils le soient, je me suis hissé à la hauteur de leurs lacunes pour valoriser ce qu’ils ne savaient pas écrire ou dire. Puis vint l’épreuve d’une inspection pour titulariser ma fonction et juger ma prestation pédagogique. Ils ne furent pas déçus, je dis « ils » car j’ai eu droit à une tribune d’experts, l’inspecteur bien évidemment flanqué du Directeur de la SEGPA, du Principal du collège, de mon « tuteur », et de deux collègues PLP surpris de mettre les pieds dans une SEGPAA sans se faire agresser. Comme je n’avais pas prévenu mes élèves, l’accueil fut chaleureux, débordant, bruyant, vivant quoi. J’ai compris par la suite que je n’avais pas marqué mes premiers points de promotion, pourtant, j’ai fait comme d’habitude. Mais la vue des costards cravates, à certainement provoqué cette hilarante vivacité de mes élèves, plus habitués à ma blouse bleu qu’a un costume d’apparat. Ils ont même eu droit sur le parquet de mon atelier à une petite démonstration de hip-hop improvisée que je n’avais pourtant pas prévue dans l’exposé de mes démonstrations d’usinage. L’inspecteur mit un terme rapide à cette inspection en interrogeant ma capacité à tenir ma classe. Il m’a vexé et j’ai vite présenté mes excuses en lui suggérant quand même d’aller voir ma petite exposition d’objets confectionnés par cette bande de mécréants. Il n’a pas cru un seul instant qu’ils puissent confectionner quoique ce soit et mal lui en a prit de ne pas croire en leurs capacités. Un élève m’a interpellé  brièvement en me disant «  M’sieu, montrez lui à lui pour qu’il ferme sa bouche ». « Ouais M’sieu, montrez lui le film ». Ils étaient fiers d’avoir participé à mon petit film qui montrait dans un savant montage vidéo toute leurs activités technologiques et professionnelles. On les voyait sérieux, disciplinés, attentifs, soucieux et passionnés de réussir les usinages et montages de leurs ouvrages. Ce jour, la, mon caméscope personnel m’a sauvé la mise. Après les 35 minutes de projection, dans un silence qu’envierait un professeur du lycée Henri IV, il m’a juste dit : Monsieur on reparlera de tout ça. Je ne l’ai plus revu, j’ai reçu son rapport d’inspection et sa note un mois plus tard. Je n’ai retenu qu’une phrase de son rapport « Professeur très, très, très perfectible malgré un savoir-faire évident ». Sa note a freiné durablement mes ambitions, mais j’ai survécu.
Gardez la forme , rien n’est perdu .

ADIEU

Monsieur le Ministre, je quitte votre école et votre idée de l’éducation qui « n’est pas une variable d’ajustement » selon vos propos. P...