Ma Chère
« Lili » je t’écris les raisons de ma colère
Le roman de John Steinbeck « les raisins de la
colère » trouve une résonnance particulière 80 ans plus tard dans un
nouveau monde que nous n’imaginions pas.
Et pourtant, nos raisons sont si nombreuses pour nous faire basculer dans une forte
exaspération, et nous projeter dans une bien triste pensée.
En évoquant mon bref souvenir, je voulais remercier les
institutrices et instituteurs de ma jeunesse perdue. Aujourd’hui professeurs
des écoles, elles et ils, resteront toujours les phares d’une profession bien
nommée institution. Respect et soutien.
Quand j’étais à l’école
primaire jadis, il y a déjà 58 ans, l’institutrice de mon village tenait son rôle
sociétal et éducatif avec le respect de tous. Nous étions pêle-mêle, petits et
grands dans cette école unique qui amusait nos différences d’âges. Je me
souviens encore de cette dame qui me semblait si vieille à l’époque tant, j’étais
jeune et insouciant. Sa voie était ronde comme sa silhouette, son accent rude
et troublant comme le maquis de ma région. Cette salle de classe surannée
improvisée dans un presbytère, ou nous apprenions quelques fables à l’encre de
nos plumes. Cette odeur particulière ou se mélangent les senteurs de craie et
de livres scolaires. J’y suis retourné l’année dernière, j’avais la nostalgie
indicible de revoir ce lieu ou l’apprentissage du calcul fut pour moi ma première
épreuve .Il ne subsiste que deux bureaux d’écolier que l’on occupait par paire
dans un silence religieux. Deux encriers enchâssés dans le bois, que mon
camarade redoutait d’utiliser car il était gaucher et forcément contrarié par
leur positionnement. Ils étaient toujours la, desséchés par notre si longue période
d’absence sans retour. J’ai cherché longtemps un graffiti coupable, une
initiale gravée, une déclaration de tendresse puérile, un témoignage de ma
fébrile jeunesse étudiante. Rien, plus que ces bancs presque immaculés ou ne
subsistent que quelques pelures de crayons mal taillés. Ils sont les vestiges de
mon passé d’élève, et garderont mes secrets d’une scolarité peu studieuse. J’ai
revu la maitresse des années plus tard, elle se souvenait de moi et de mes
caprices, elle trouvait les mots malicieux pour me rappeler que j’étais fâché
avec quelques enseignements de base : « Alors mon petit, tu les
connais tes tables de multiplication ? ». J’ai souri pour lui dire
que j’avais finalement appris et trouvé leur utilité. Les gens du village l’appelaient « Lili » ce
petit diminutif d’un prénom que je n’ai jamais su. Ses yeux ronds et bleus
comme des prunelles que grossissait une paire de lunettes aux verres tout aussi
ronds. Elle n’est plus « Lili », elle aurait un âge sans fin. Bien
des années plus tard, en écoutant une chaîne télévisée j’entendis des
personnages parler des professeurs et des instituteurs avec une attention bien
différente. Ils y allaient tour à tour de leurs qualificatifs pour définir l’âme
de cette profession. Ce n’est pas des compliments, mais des reproches d’une
virulente obscénité. Tantôt fainéants, tantôt bien trop rémunérés pour si peu
de travail, profiteurs et nantis, jamais contents, toujours enclins à la
grève…. Se souviennent-ils d’une « Lili », ou d’une toute autre
institutrice qui façonna leur enfance ? Ont-ils tant souffert sur des
bancs d’école pour exprimer tant de haine bileuse ?
Merci
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