J’ai reçu ce jour un message sibyllin
de notre Ministre de tutelle :
Mesdames et
Messieurs les professeurs,
En ces premiers jours de vacances, je souhaite vous remercier pour votre engagement au plus près des élèves dans le contexte de cette année scolaire marquée par la crise sanitaire.
Bonnes vacances à toutes et à tous !
Jean-Michel BLANQUER
En ces premiers jours de vacances, je souhaite vous remercier pour votre engagement au plus près des élèves dans le contexte de cette année scolaire marquée par la crise sanitaire.
Bonnes vacances à toutes et à tous !
Jean-Michel BLANQUER
Il est gentil de penser à moi, même si mes vacances sont permanentes.
Je voulais simplement lui répondre combien j’apprécie sa plaisante attention.
Lui dire que mon engagement « au plus près des élèves » était très
distancié ces derniers temps, et que mes élèves ont tous obtenu leur BAC PRO
malgré mon absence contrainte. Je suis heureux pour eux, mais pas rassuré.
Merci M. le Ministre
de m’avoir gentiment et brièvement rappelé une dernière injonction dans ce
contexte de crise sanitaire. Mes vacances seront reposantes et non pas
apprenantes car, il me faudra oublier vos promesses, et apprendre le mensonge.
Je vais passer de bonnes vacances, et je n’aurais plus l’occasion de vous importuner
avec ma demande d’un meilleur salaire. A quoi bon insister, nous ne sommes pas
régaliens. Pourtant, Le ministère de l'Education nationale, qui est le
plus important sur le plan budgétaire et qui comprend le plus grand nombre de
fonctionnaires, devrait l'être !! Est-ce
pour cette raison que vous ambitionniez ce Ministère Régalien de l’Intérieur
comme ultime promotion de votre savoir faire ? .
Vous espériez un Ministère de « l’Intérieur »,
contentez vous d’être le garant de notre éducation nationale même si vous êtes un
peu trop à l’extérieur de nos préoccupations. Et si cela effleure votre aimable
prévenance, songez un instant à augmenter un poil les salaires de vos enseignants,
ils vous en seront gré. Nous remercier, c’est franchement très agréable, mais revaloriser
nos salaires nous vous en serions infiniment plus reconnaissant. Oubliez les
badges gadgets que quelques-uns de vos conseillers promeuvent, car pour partir
en vacances ils ne valent pas grand-chose, ils n’ont même pas la valeur d’un ticket
repas.
Pendant une
vingtaine d’années j’ai suivi toutes les
injonctions de mon ministère, je sais que vous y adhérez Monsieur Blanquer.
Inventer, réinventer, dessiner ou trouver un chemin semble vous préoccuper au
plus haut point. Les profs s’inventent tous les jours sans en faire un coulis
de fraise. Ils sont souvent sur des chemins bien encombrés d’embûches.
La première injonction étant de m’adapter à chaque élève
qui est différent. Oui M.Blanquer, j’ai essayé de suivre cette prescription. Je
me suis perdu parmi les « dys » Dans une même classe j’ai dû composer
avec la dyslexie, la dysphasie, la dysorthographie, la dyscalculie, la dyspraxie.
Et toujours dans cette même classe
« Dys » parâtes, j’avais un hyperactif lui-même flanqué d’un
hypersensible, et d’un autre avec une phobie scolaire. Sans compter l’élève qui
oublie ses cours, qui ne rend pas ses devoirs, etc. … Et oui, je ne faisais pas
cours à l’élite, ce n’était que quelques CAP orientés par défaut et qui avaient
au moins la chance de pouvoir se défouler sur les établis de mon atelier. J’ai
fait ce que j’ai pu pour satisfaire cette injonction sans pourvoir y réussir et
sans formation préalable, J’ai donc improvisé.
Une deuxième
injonction étant de me faire respecter. Essayer d’obtenir le silence dans mes
cours, prétendre à une classe qui suit scrupuleusement mes consignes. Ce ne fut
pas facile, j’ai beaucoup tempéré mon naturel colérique, sans mater pour autant
leur adolescence sensible. . J’ai essayé, j’ai donc improvisé.
Une troisième
injonction étant de me faire apprécier sans copinage, sans tutoiement, en
essayant de ne pas accorder à mes élèves quelques dérogations dont ils peuvent
abuser rapidement. J’ai perdu ce combat, en leur accordant trop facilement des
délais, des exceptions de toutes sortes. Mon indulgence pour leur plaire, je
l’ai aussi improvisée.
Et puis
il y a eu cette autre injonction que vous
faites souvent valoir, et que vous reprenez
souvent en exemple M. Le Ministre : Aucun élève ne doit rester au bord de
la route.
Et
quelle route ! J’ai eu le sentiment d’avoir beaucoup œuvré pour éclaircir
un parcours, en proposant des barèmes spécifiques, des accompagnements
individualisés, des séquences adaptés, des rencontres parents élèves, J’ai fais
tout ça en vain, et mes bonnes intentions étaient improvisées pour plaire à
l’institution. Et en oubliant l’essentiel qui était le désir propre de mes élèves.
Et
puis, j’avais aussi l’injonction conjointe de l’institution et des parents d’élèves
d’éviter les violences, le harcèlement dont certains jeunes sont les victimes
muettes. J’ai lutté comme j’ai pu avec quelques armes désuètes comme la morale,
la punition, et le discours moralisateur dont ils se moquent parfaitement. J’ai
tenté d’être à coté d’eux, et non pas entre eux et le monde cruel, sans y parvenir trop souvent, car j’ai improvisé.
Inutile
de préciser, que toutes ces injonctions contradictoires n’ont qu’une action
paralysante à l’encontre de ce que je croyais être notre action de leur
communiquer un savoir. Et de surcroit pour facilité notre travail, nous opérions
souvent dans des locaux vétustes, avec des matériels obsolètes, et bien trop
souvent avec notre propre investissement pécuniaire pour acquérir des outils informatiques
et didactiques que vous oubliez de nous fournir.
Voilà
Monsieur Blanquer, c’est tellement facile d’être professeur multi tâches. Tout
le monde peut l’être aisément, comme s’asseoir derrière un bureau et composer
quelques statistiques savantes.
Bonnes
vacances.
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